Résidence Verte
Notes de l'artiste : 1 ère session décembre 2023.
De Lorient à Blandas, je voyage en train, en métro, en bus, puis pour les vingt derniers kms, la voiture. 12 heures sera la durée de mon déplacement partagé pami d’autres individus,
caractéristique des transports en communs. Mon esprit dessine des formes d’imbrication articulant ce Nous en mouvement organisé dans ces unités de lieu structuré par le temps, le moment, le
rendez-vous. Ce Nous en tant qu’ensemble de corps humains parmi le milieu des vivants, transformant la nature en des paysages comme des signes multiples de ce que nous sommes ;
s’estampillent des traces ineffables et symptomatiques d’une cohabitation poreuse d’équilibres ultra précaires avec le monde minéral, végétal, animal.
Je pars vers les Causses, je me rends sur les Causses, je suis sur les Causses avec en tête comme thématique esthétique la relation du patrimoine lithique et de l’eau. Durant mon premier séjour
en décembre, j’ai arpenté le plateau alternant le rythme binaire de la marche à pied et le glissement du vélo électrique sur la départementale 113. Le déplacement du corps émanant le moins de
dioxyde de carbone possible comme condition de projet installe une certaine lenteur.
Au creux d’un chemin en sortie de Blandas, je surplombe le vide nichant dans son fond le lit de la Vis. Au-dessus de moi le rocher du Loup couronne le sentier. En fond sonore je perçois le bruit
lointain des voitures, à l’horizon un vautour plane, dans le ciel apparaissent les sillons des avions et le cliquetis sec de l’éboulis de petits cailloux provoqué par le passage d’un mammifère
sur la paroi rocheuse définit assez bien l’enchevêtrement de ces différents milieux et temporalités rassemblés ici, au bord de ces plateaux fracturés par le mouvement des plaques tectoniques de
l’ère tertiaire. Le temps géologique a permis la survie de l’espèce humaine. Je pense aux grottes et aux boyaux architecturant ces falaises de calcaire. Je pense aux pluies traversant le sol,
emportant avec elle l’acidité de la terre et de ce fait, creusant des réseaux d’eau scellés dans l’antre des causses dont le circuit et le nombre sont inestimables. La profondeur des gorges est
époustouflante...Un spectacle...plus que ce mot, cette position de spectatrice me questionne.
La résidence verte (Re)faire Causse de Douce Mirabaud sur le Causse de Blandas se poursuit pendant l'hiver. Douce explore le Causse de Blandas et a rencontré des personnes ressources, comme Alban Laurent chargé de mission Natura 2000 ou l'exploitant de la carrière de Montdardier et les habitants. Son travail se focalise pour le moment sur la notion de déplacement ; des essais à partir de différents matériaux sont en cours (cendre, argile, calcaire...).
Drapeau de mobilité cousu à partir des gilets de sécu des chasseurs pour être vue des chasseurs.
Arpentage sur le Causse de Blandas.
Notes de l'artiste : 3 ère session mars 2024.
Souples sèches hautes les tiges herbeuses dans le vent caressant la lumière dorée des vallons
le paysage survient de son temps
me happe là où
je n’appartiens plus à une langue à une histoire à une articulation ;
mais à mon œil seul, amnésique,
sous l’éclat du saisissement.
Les formes du monde cachent leur disparition.
Et nous nous réinventons sur les malheurs.
Des subtilités déployées
Des imperfections de langage, des ancrages,
D’un œil plus vif et terrible que le surgissement assourdissant d’une nuée d’hélicoptères
Une trame sociale énonce ce qu’elle est dans son ensemble
Ensemble en tentative
Un ensemble de désormais
Le désormais d’une histoire collective et pugnace de l’humanité.
Les victoires peuvent être parfois aussi sèches que les tiges herbeuses des plaines d’ici.
S’emprunte sur les sols craquelés asséchés la trace d’un corps, d’une masse, d’un mouvement.
Cristallisation d’une présence, où est-elle maintenant ?
Le sens créatif se délaye dans le moindre geste,
J’opère j’espère une figure cachée dans les pierres
Expression furtive d’un visage anxieux
Tourné vers l’attente de gouttes de pluie.
Et bien plus encore.
L’intention des pensées paréidoliques
Fixe les récits de tous les temps.
Qui ose invoquer le miracle et lever la main ?
Les résonnances au fond de toutes les gorges
Glottes, grottes, notes de musique,
Chant scellé dans les roches
Les falaises lézardent chaque ligne de faiblesse
Et la force de nous autres auront choisi la fracture
Pour marquer des seuils.
Paf la longue-vue en plastique.
Ma lorgnette est floue.
(ça va si vite dans la vase).